MADAME

MONSIEUR

Mme rêve d’explorer le monde par les goûts. Par le biais de ce petit bouquin (80 pages), elle a plongé dans l’énigme d’un univers méconnu, celui de l’astringence selon les Japonais. Des êtres raffinés, s’il en est. Qui trouvent des dizaines de significations à l’astringent.

Pour elle, non seulement le mot est difficile à décrire (son fils dira, en mordillant la peau d’une châtaigne : « ça fait me fait sursauter la langue ») de plus, il n’est pas aisé d’identifier la sensation d’astringence. Prenez un kaki pas trop mûr (pas ridé) : « Vous mordez dedans, vous voilà paralysé quelques secondes, comme électrocuté… Tous ceux qui en font l’expérience vous le diront : la violence de cette sensation excède l’effet d’un piment fort… » (p 45). Car l’astringence n’est pas un goût à proprement parler mais une sensation dans le corps entier. On apprendra dans cet essai qu’il est aussi une sorte de code esthético-philosophique.

Il arrive que l’on confonde les goûts périphériques proches de l’astringence, l’amer et l’âpre. Pour mémoire, Ryoko Sekiguchi classe schématiquement :

Astringent : thé, vin, kaki, grenades, sauge, coings, glands, haricots rouges (goût du tanin).
Âpre : oseille, rhubarbe, betterave, blette, roquette (goût de l’acide oxalique).

Et ainsi de suite pour l’amer, sans oublier quelques mots sur l’umami, ce goût « savoureux » qui n’existe pas en Occident.

En relisant L’Astringent, Mme a mémorisé ceci :
« Le kaki communique la douceur d’une femme qui a eu la vie dure. Pas la gentillesse de qui n’a connu que le bonheur, mais celle d’un être qui aurait traversé l’amertume de l’existence ». Magique non ?

Et encore : « L’astringent, c’est une virgule dans le repas. »

M. aime sa langue. Littéralement. Ses réactions, ses sensations, la palette d’émotions qu’elle peut lui procurer.

M. aime sa langue. Linguistiquement. Sa musicalité, ses double-sens, son vocabulaire.

Le petit essai L’astringent joue sur les deux regitres, dans deux univers linguisticolinguaux opposés : La France et le Japon. M. adore !

Ryoko Sekiguchi, l’auteur, traducteur de son état, utilise le contraste qui existe entre l’importance de l’astringence au Japon et sa rareté en France comme point de départ à une longue dissertation sur un art de vivre japonais insoupçonné pour le francophone.

Un livre qui met les sens et l’esprit en émois, une belle curiosité.

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ASTRINGENT 1. Adj. Med. Qui exerce sur les tissus vivants un resserrement, une sorte de crispation plus ou moins sensible. Remède astringent. Astrictif (vieux), hémostatique, styptique. Par extension (en parlant du goût, de l’odeur, d’une plante, d’une substance), saveur âpre et astringente. Acerbe, âpre, austère. Âpreté. Par métaphore, Fig. une parole astringente : «Tout petits baisers astringents» (Verlaine).

2. Nom. Un astringent. Substance qui a pour propriété de resserrer les tissus. Les répercussifs sont en général des astringents. Principaux astringents : alun, bistrote, butée, cachou. 1537 : astringent, du latin, astringens, participe présent de astringere, «resserrer», de ad et stringere «serrer». «Puis, dudit jour, une potion anodine et astringente, pour faire reposer Monsieur, trente sols», Molière, Le Malade imaginaire, I, 1.

L’Astringent de Ryoko Sekiguchi, éditions Argol, 2012, 80 pages,12,50 €.

Voir aussi L’astringent, plus qu’un goût, un univers.

 

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